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RESECO a donné son avis dans achatpublic.info

Jean-Marc JOANNES, rédacteur en chef d’Achatpublic.info, a interviewé Matthieu BELLAYER, chargé de mission de la dynamique « Achats publics durables » à RESECO, sur l’obligation d’une clause environnementale dans les marchés publics.

[Interview] « Il ne faut pas que la mise en place d’une clause environnementale devienne un « casse-tête » pour l’acheteur « 

La proposition de la Convention citoyenne pour le climat de rendre obligatoire une clause environnementale dans tous les marchés publics interpelle le monde de la commande publique. Matthieu Bellayer, chargé de mission de la dynamique « Achats publics durables » au Reséco, souligne la dynamique positive… mais s’interroge sur ses effets sur la commande publique…La Convention des citoyens pour le climat propose d’inclure plus de clauses environnementales dans les marchés publics (relire « Convention citoyenne pour le climat : clause environnementale et écocide » et «  Commande publique : pourquoi ils ont réinventé l’eau tiède »). Selon Matthieu Bellayer, chargé de mission de la dynamique « Achats publics durables » au Reseco, cette proposition s’inscrit dans la continuité d’un verdissement de la commande publique amorcé depuis plusieurs années. Mais pose question.
NDLR : le RESECO – Afin de favoriser l’intégration du développement durable dans les achats publics, une centaine d’organisations du Grand Ouest se sont regroupées en 2006. Leur volonté est d’animer une dynamique facilitant l’intégration des dimensions environnementales, sociales et économiques dans la commande publique. Le réseau est composé de différentes structures de droit public soumises au code de la commande publique (collectivités, EPCI, SDIS, universités…).

Que pensez vous de la proposition d’inclure une clause environnementale dans les marchés publics ?

Est-il pertinent d’imposer une clause environnementale dans des marchés publics qui ne s’y prêtent pas toujours ?

Matthieu Bellayer – Elle souligne l’importance de la commande publique en tant que levier économique pour favoriser une transition écologique. C’est donc un signal positif. Toutefois, en regardant de plus près, le groupe de travail propose de l’imposer dans tous les marchés publics.
Au-delà de la faisabilité juridique (qui sous-entend une modification du code la commande publique et aussi des directives européennes de 2014), cette proposition pose la question suivante : est-il pertinent d’imposer une clause environnementale dans des marchés publics qui ne s’y prêtent pas toujours ? Il ne faut pas que la mise en place d’une clause environnementale devienne un casse-tête pour l’acheteur, qui doit s’assurer que son exigence est réalisable et bien exécutée par le prestataire.

Ne risque-t-on pas de favoriser l’émergence de clauses trop générales, éloignées de l’objet du marché ?

Il faut faire avant tout confiance à l’acheteur et privilégier l’accompagnement et la formation des agents et des élu(e)s sur les achats durables.

Matthieu Bellayer – C’est le risque principal. Il est possible d’imaginer l’apparition de clauses environnementales généralistes, intégrées dans tous les marchés publics et sans lien avec l’objet du marché. Le risque contentieux est ici important.
Imposer systématiquement des clauses environnementales, c’est méconnaître la phase « détermination du besoin » qui permet à l’acheteur d’identifier la meilleure disposition à mettre en place dans son marché dans une logique de protection de l’environnement (critère d’analyse, condition d’exécution, variante…).
Il faut faire avant tout confiance à l’acheteur et privilégier l’accompagnement et la formation des agents et des élu(e)s sur les achats durables.

Où en est-on des clauses sociales et environnementales dans la commande publique ?

L’intégration de clauses environnementales et sociales dans les marchés publics reste relativement faible

Matthieu Bellayer – En se basant sur les derniers chiffres de l’Observatoire économique de la commande publique (NDLR: relire « L’OECP dévoile sa photographie de l’achat public« ), l’intégration de clauses environnementales et sociales dans les marchés publics reste relativement faible.
Néanmoins, les récentes lois EGALIM et Anti-gaspillage pour une économie circulaire laissent présager une augmentation des clauses environnementales et sociales et cela dans plusieurs secteurs d’achats (alimentaires, BTP, véhicules…). Nous constatons aussi que plusieurs entités publiques travaillent actuellement sur le sujet, par le biais de groupes de travail ou de démarches thématiques.

Quels enseignements de la crise Covid 19 peut-on tirer s’agissant des clauses sociales et environnementales ?

Il convient de soutenir les secteurs les plus touchés par la crise en ciblant certaines catégories d’achats afin de préserver les emplois.

Matthieu Bellayer – Pendant cette crise, les clauses sociales et environnementales n’ont pas été les principaux sujets de préoccupation des acheteurs, même s’il y a eu certaines innovations en matière d’achat de masques par exemple.
Aujourd’hui, l’achat durable est cité comme l’une des clés permettant de favoriser une relance économique. Mais avant d’orienter une demande vers des solutions plus durables, il convient de soutenir les secteurs les plus touchés par la crise en ciblant certaines catégories d’achats afin de préserver les emplois.
Une fois que l’offre sera stabilisée, il sera plus facile pour l’acheteur de mettre en place des clauses environnementales et sociales, et de faire évoluer les offres vers des solutions plus respectueuses du développement durable.

Relever les seuils, est-ce selon vous une bonne chose au regard de l’insertion des clauses environnementales ?

Peu importe le montant du marché quand il s’agit de favoriser l’insertion de clauses environnementales

Matthieu Bellayer – Quels que soient les seuils, les acheteurs restent soumis au code de la commande publique. ils doivent s’assurer que leurs exigences en matière environnementale respectent bien les principes de la commande publique. Finalement peu importe le seuil, l’insertion de clauses environnementales relève de la capacité de l’acheteur à étudier la possibilité d’intégrer une exigence environnementale dans son achat. Les méthodes pour y parvenir sont les mêmes, quel que soit le montant du marché.

Quel est le programme, dans les mois à venir, du RESECO ?

Matthieu Bellayer – Des événements seront organisés dans les prochains mois. Plusieurs formations et une sensibilisation sur les achats publics durables sont prévues. Le groupe de travail « commande publique et économie circulaire » restituera les enseignements de ses travaux à Angers en décembre. Des journées relatives aux sujets « achats de denrées alimentaires » et « achat public et économie circulaire » seront organisées sur tout le territoire du RESECO.
Enfin, deux nouveaux groupes de travail seront lancés (Véhicules et mobilité ; Construction et rénovation de bâtiment).
Pour plus d’informations : https://reseco.fr/en-ce-moment/